"Le diable, c'est la sublimation manquée". A. Barbault: Scorpion (Seuil,1959)(Ingrès de Saturne en Scorpion et réception réciproque avec Pluton, Première partie)
Avant
d'aborder dans un second temps l'éclipse totale du 3 Novembre, il est
nécessaire de la resituer dans le contexte astral plus vaste qui est le
sien.
Uranus carré Pluton, en premier lieu, favorisent les
abus de pouvoir en particulier dans les institutions financières
(Pluton en Capricorne). Ce pouvoir se caractérise par une hiérarchie
excessivement cloisonnée et rigide. Saturne en Scorpion accentue encore
cette puissance qui se veut inamovible en la justifiant par l'obscurité
entretenue et la rigueur supposée de l'expertise. Ici la révolte
uranienne ne se fait pas uniquement dans le renversement de cadres souvent dépassés mais encore dans l'exploitation surintensive de telles
structures par des puissances dérégulées et sans attaches visant leur
implosion (Uranus en Bélier).
L'exemple le plus immédiat
de cette interprétation communément admise en astrologie est peut-être celui du traité
de libre échange entre l'Union Européenne et les États Unis, où l'on
"découvre" l'impuissance et la complaisance des États face à des groupes
de pression divers dont l'arme favorite est l'exploitation à outrance
de prétendues failles juridiques dans les législations nationales, mais
pour lesquels en réalité tous les moyens se valent.
Saturne
en Scorpion en réception réciproque avec Pluton en Capricorne met en
effet un accent pour le moins pesant sur tout ce qui relève du pouvoir
des institutions. Certains États préfèrent céder plutôt que de se lancer
dans des procès interminables dont le coût jugé excessif par l'opinion
publique nuirait à l'image des gouvernants. La longueur même des
procédures, risquant de s'étendre au delà d'un simple mandat pousse
certains gouvernements à accepter des conditions inacceptables. Le
résultat est que les États, en particulier ceux qui font de l'esquive ou
de la négligence un sport national, se voient bel et bien spoliés
peu-à-peu de leur pouvoir juridique et décisionnaire au profit de
compagnies financières transnationales. L'état actuel de la Grèce,
reléguée par les investisseurs au rang de marché émergent, et celui de
l'Espagne dont la dette livrée à la spéculation a atteint le chiffre de
son P.I.B. sont deux reflets parmi d'autres de cette conjoncture.
S'agit-il
d'une nouvelle illustration du pouvoir d'une élite mondiale d'experts
en régulation se situant elle-même au-delà de toute régulation telle que
l'avait déjà entrevue le sociologue américain Christopher Lasch en son temps? C'est en effet une des implications
possibles, non de la réception réciproque proprement dite, mais du
carré. Avec Uranus en Bélier en effet c'est la légitimité même du
pouvoir au sens conventionnel qui est systématiquement remise en cause,
mais par la poussée irrésistible d'intérêts personnels coalisés ou
simplement imposés par une idéologie individualiste agressive (Mars, ne
l'oublions pas, est maître d'Uranus et de Saturne). Dans un tel contexte
il semble douteux que des intérêts plus universellement humanistes et
moins étroits dans leurs projets puissent s'opposer à cet état de fait
du moins pour le moment dans la mesure où le simple bon sens doit
désormais pour s'exprimer s'appuyer sur la parole de spécialistes.
Autant dire qu'il peut parfois se révéler de peu de poids face aux
assauts impersonnels des groupes de pression. N'a-t-il pas fallu
l'intervention d'un prix Nobel d'économie scandalisé pour empêcher tout
récemment un nouveau désastre politique et économique qui n'aurait pas
manqué de suivre l'abaissement de «la note de la France» par des
"agences financières" auxquelles on a tout-à coup offert implicitement
(et ce malgré les rapports qu'elles ont entretenu avec les responsables
de la débâcle financière et le rôle qu'elles ont joué dans celle-ci) un
pouvoir immense de décision dans la gestion des États? (Mercure conjoint
à Saturne - la parole des experts - disposait alors du ciel avec Mars
en Vierge, autre réception - la volonté de clarifier une situation
brouillée, en particulier pendant l'opposition récente de Mars et Neptune, et l'éclipse
solaire: Tout comme la liberté réside d'abord dans la connaissance de la
limite, l'éthique, sous une telle conjoncture astrale, consiste avant
tout, pour paraphraser Kant, à savoir vouloir).
Par contre
lorsque quelques actionnaires se rendent capables de prendre le contrôle
de toute la «stratégie» d'une entreprise comme c'est de plus en plus
souvent le cas, on interrogerait inutilement les experts pour justifier
leurs compétences, et ce manque de volonté de justification même révèle
qu'en fait deux visions opposées du "réalisme" s'affrontent. Il va bien
de soi que ce qui est recherché dans ce cas précis n'est pas le progrès
de l'entreprise en question, à plus forte raison son potentiel
qualitatif ni sa créativité, mais sa rentabilité immédiate: Qu'importent
alors les critères qui ne relèvent pas de «l'urgence de la
compétitivité»? Les prises de risques, quant-à elles, sont évidemment
réduites à leur strict minimum tout comme le sont en fin de compte les
possibilités d'innovation. Rien d'étonnant à ce que les médias de masse
relayent de préférence ces vues qu'ils partagent abondamment: Leur culte
superficiel du "progrès" se fonde largement sur ce réalisme si pesant
des marchés et sur Ie principe pavlovien de gratification-sanction
immédiates du marketing le plus agressif qui sont pourtant en tout si
contraires au progrès démocratique réel (1) D'ailleurs ce
prétendu réalisme même est fortement remis en question aujourd'hui: Pour
de plus en plus d'économistes, le processus de fixation des prix par le
marché et le comportement des acteurs étant essentiellement
imprévisibles (c'est sur ce principe d'incertitude même, en somme, que
se fonderait tout profit) une autorégulation des marchés serait
simplement utopique. Il est par conséquent souhaitable de reconsidérer
la légitimité (ou plutôt l'illégitimité entretenue par certain courant
économiste néo-keynésien) d'un contrôle exercé sur des flux de capitaux
qui ne relèvent désormais que de la spéculation la plus arbitraire, au
même titre que sont encadrés par les législations jeux de hasard ou
courses de chevaux. Cette idée jugée encore trop fataliste (nous venons
pourtant de montrer que dans le cas par exemple des agences de notations
l'inverse ne semble généralement pas soulever autant d'objections) de
la nécessité d'une régulation extérieure de richesses demeurées
irrationnelles malgré tous les systèmes successifs est tout à fait de
l'ordre d'un Saturne en Scorpion reçu par un Pluton en Capricorne
affligé. L'idée du principe d'incertitude, par contre et paradoxalement,
en ce qu'elle dépasse la notion de finitude que sous-tend celle du pur
mécanisme saturnien, est en fait la conception à la fois éminemment
ancienne et traditionnelle (Saturnienne) et évolutive (Uranienne) que
l'on retrouve même à l'origine des sciences et des arts humanistes
modernes. Nous reviendrons sur ce point. Un contrôle extérieur, avec toutes les difficultés qu'il présuppose (le monde financier est réputé être le plus opaque des secteurs, celui d'où les informations ont le moins de chances de filtrer, ou le secret est le plus strictement entretenu) ne pourrait d’ailleurs être encore qu'une
mesure conjoncturelle nécessaire appliquée à une crise d'une toute autre nature
(n'oublions pas que c'est l'opposition Saturne/Uranus de 2007 qui a
inauguré l'actuelle récession). C'est donc bien avant tout de la
moralisation d'un système dont les excès deviennent des obstacles, et
non plus des moteurs pour le progrès humain qu'il s'agit ici.
Mais
n'est-ce pas, à vrai dire, une forme de pillage systématique, au-delà
même de l'exploitation outrancière, lorsqu'une entreprise rentable est
poussée au rachat par une banque fraichement miraculée, soit qu'elle ne
puisse emprunter à cette dernière sans faire figurer dans le contrat des
clauses aussi crûment explicites et rédhibitoires que l'abandon de ses
brevets en sa faveur, soit que les tarifs pratiqués deviennent soudain
si exorbitants qu'elle se voit poussée à la faillite et ses actifs
aussitôt rachetés par ladite banque, une de ses filières ou un de ses
partenaires... En France en particulier, nous le montrerons plus
loin, ces légères contrariétés et contradictions n'empêchent d'ailleurs
nullement un patronat de la même obédience néolibérale de se tourner
ensuite assez cyniquement vers l'État providence qu'ils rêvent secrètement
d'abolir pour en exiger, sous la menace de licenciements et
délocalisations, abattements fiscaux et autres mesures d'exception: si
le chômage ne fait que croître et si le niveau de vie général est en
baisse constante, si la misère progresse comme on s'y attendait, le
salaire des patrons du CAC 40 a quant à lui augmenté de 9% cette
année... On le voit, Saturne, bien que garantissant normalement une
certaine répartition des responsabilités, peine parfois encore à freiner
la dérégulation abusive des pouvoirs sous-tendue par le carré
Uranus/Pluton. L'austérité, nécessaire ou non, ne semble (si elle existe) encore parfois
devoir s'appliquer qu'avec parcimonie et force discrimination,
pourrait-on dire.
Dès lors on s'interroge légitimement sur
les raisons "purement économiques" qui ont poussé les États à sauver
ces mêmes compagnies financières sur le champ et coûte que coûte sans en
exiger ouvertement en retour la moindre compensation ni la moindre
restructuration. Réflexe automatique dû à de vieilles habitudes
libérales? L'opposition Saturne-Uranus pointait très-précisément un
grave problème structurel et institutionnel dans nos sociétés.
L'étiquette "too big to fall" apposée à un établissement fautif n'est
pas non plus très explicite économiquement et n'encourage guère plus
qu'elle n'engage ses responsabilités passées et futures. Inutile
peut-être d'ajouter que ce n'est pas la première fois que des multinationales s'effondrent pour des raisons et dans des
conditions similaires. L'histoire du monde moderne compte au moins deux
cas tragiques semblables, trois en incluant cette période.
J'y
reviens pourtant parce que d'une part s'est tenu récemment un sommet
européen où était discutée la question du sort réservé par les États aux
grandes banques en faillite, prologue nécessaire désormais à "l'union
bancaire européenne" (comme si l'union européenne devait ressembler à
autre chose sous une telle configuration astrale qu'à une obscure tentative
tardive de mise en place d'un mécanisme de "régulation financière"
visant en fait à limiter l'ampleur d'un retour prévisible aux mesures
protectionnistes) et d'autre part parce que la réception réciproque
entre Saturne et Pluton peut très facilement évoquer l'exercice dans
l'ombre, et au-delà de la compréhension des simples populations
mortelles, d'une volonté de puissance globale exclusive et abusive (et
je ne crois pas être le moins du monde conspirationniste en écrivant
cela). Les mots protectionnisme, banqueroute, déconfiture ou
nationalisation sont quelques-uns des tabous de notre époque qui se
vantait il y a peu de temps encore d'en être délivrée. René Girard, c'est vrai, allant à contre-courant des thèses de la plupart
des sciences humaines du début du XX ème siècle a expliqué (dans La
violence et le sacré, 1972) comment interdit et tabou - notions
traditionnelles propres à Saturne et à Pluton - jouaient à l'origine un
rôle de protection des sociétés contre leur propre violence et ne
reflétaient donc pas nécessairement des tendances simplement
inhibitrices de celles-ci. Or dans le cas présent non seulement ce sont
des tendances nouvelles mais on conçoit mal où se trouve la violence
dans la simple énonciation ou même dans l'application des lois
ordinaires de l'économie. La peur des transformations profondes
signifiée par Saturne en Scorpion conduit à un tel statu quo. Le monde,
semble-t-il, retient son souffle.
La société civile
d'ailleurs ne s' y trompe pas qui a finalement obtenu récemment, à la
faveur de nouveaux scandales gouvernementaux il est vrai, que les
ressources financières des parlementaires soient rendues publiques. Ce
fut une grande victoire à la fois démocratique et éthique contre une
possible coalition souterraine du pouvoir politique et du pouvoir de la
finance très explicitement signifiée par cette réception (affligée), et
qui est la voie la plus directe vers la corruption en plus d'être un jeu
dangereux susceptible d'attiser encore d'avantage la méfiance des
peuples. Un autre pas dans ce sens a été fait par la Suisse sous
ces mêmes astralités lorsqu'elle a décidé, sous la pression
internationale, de mettre fin au secret bancaire, déclenchant un
véritable sauve-qui-peut parmi les expatriés fiscaux. Notons aussi que
l'Espagne et surtout l'Islande, pays très-profondément touchés par la
crise financière, ont entrepris de juger de façon systématique les
responsables de la banqueroute, ce que d'autres tardent délibérément à
faire (il faudra sans doute attendre la prochaine période de rétrogradation de Saturne, de début Mars à fin Juillet 2014, pour que le monde commence à véritablement estimer l'ampleur des mesures nécessaires et à les assumer. Cela ne se fera pas sans heurts puisque cette période est aussi marquée par la grande croix cardinale, indice d’aggravation de l'actuelle récession). L'Islande en particulier est un cas intéressant sur ce point, car
l'île pourrait être l'illustration assez fidèle, en miniature, des
accointances et conflits d'intérêts qui sont le lot quotidien de nos
propres élites ultralibérales. Mais venons-en à notre éclipse proprement
dite, qui a montré que si le bon sens démocratique a rarement été à la
fois plus puissant et plus requis que de nos jours subsistent pourtant
quelques zones d'ombre.
Picasso - Crâne de chèvre et bougie |
Ironiquement
l'opposition Mars/Neptune, indicateur de pollution en astrologie, a immédiatement préludé à la protestation dans ces manifestations d'hostilité à la nouvelle majorité
gouvernementale des plus gros pollueurs de France en la personne des
industriels de l'agro-alimentaire breton, qui entendaient y exprimer
leur refus d'une taxe écologique synonyme selon eux de faillite et de
licenciements! On devrait voir dans ces événements fâcheux la fin d'un
modèle économique aussi dépassé que les sont dans les faits leurs
structures de production (il ne faut pas chercher plus loin leurs
prétendus problèmes de rentabilité, les mentalités rétrogrades freinant
depuis longtemps l'investissement dans un modèle plus dynamique seul
susceptible de leur assurer une certaine pérennité et leur
éviter un rachat par des firmes étrangères tout aussi peu scrupuleuses
mais plus raisonnablement modernistes: Qui n'a jamais entendu parler de
développement durable?) Au lieu de quoi on préfère s'accrocher à des
moyens de production déliquescents et faire mine de continuer de
spéculer sur leur viabilité. Or la spéculation, tendance plutôt
neptunienne, est complétement étrangère au savoir vouloir dont nous
parlions plus haut. D'où l'agressive et sourde incohérence, capricieuse,
du discours qui tente encore de les justifier: Mars en Vierge, stratège
redoutable ou tacticien borné, combat pour une cause supérieure s'il en
trouve une, ou sinon contre elle. Il veut servir une vision plus
globale à moins de se voir réduit à jouer le sombre rôle d'exécuteur des
basses œuvres...
L'avantage de l'expertise saturnienne
est qu'elle tend à mettre au jour (au sens de définir, en Scorpion: avec
Mercure et Saturne on est moins là, c'est le cas de le dire, dans le
dévoilement - qu'on se souvienne du mythe d'Orion (3) - que dans
l'utilisation sage, la mise en œuvre d'un savoir maîtrisé qui seulement
alors devient force effective. Pour le dire autrement, la volonté de
puissance personnelle pour s'actualiser ne peut se passer de limitations
culturelles, puisque, par ailleurs, selon les biologistes, la culture,
au fil des millénaires, est elle-même en partie responsable de l'in-formatio, c'est-à-dire à proprement parler de la mise en forme, de la structuration du génome humain (4).
De là une retenue habituelle chez les natifs de cette configuration,
une tendance à éviter le superficiel, à aller au fond des choses, voire à
se réfugier derrière une redoutable ironie d'autant plus cuisante
qu'elle est le plus souvent fondée) et à fatalement abolir par son sens
des nécessités incompétences et irresponsabilités dans les multiples
sphères de décision. Seule la réception réciproque, peut-être, obligeant
à une certaine maturité les puissances publiques, empêche ces révoltes
encore éparses de se multiplier. Le sens de l'histoire et de
l'expérience, liées encore à Saturne, fait que les droites démagogiques
d'Europe, à mesure qu'elles gagnent en envergure, tendent à se
dissimuler derrière une apparence de respectabilité plus conventionnelle
et rejettent même l'attribut d'extrémistes. Soyons sûrs qu'il n'en est
rien et qu'elles demeurent sur le plan des idées aussi opportunistes et
radicales qu'elles l'ont toujours été, sinon d'avantage encore sous ce
carré générationnel (5). Il est important de signaler que nous nous
trouvons en ce moment au cœur même de cette dernière configuration
astrale puisque le premier carré de ce cycle synodique initié dans les
années 1960 est actuellement exact en héliocentrique (c'est-à-dire sans
tenir compte des multiples rétrogradations des deux astres telles que
nous pouvons les observer et les subir sur Terre).
Cependant avec la réception mutuelle il est certain que l'accélération du monde que nous vivons, aux limites de l'instantanéité et du temps humain (dixit Virilio), stimulée par l'affliction d'Uranus en Bélier, connait actuellement une pause. Va-t-on la mettre à profit pour dépasser le présent absolu auquel on réduit l'humain, le resituer dans l'histoire des nations et des idées et tenter de dégager quelques solutions pour l'avenir? Ou tentera-t-on encore d'encourager et d'exploiter cette acculturation? Cela aussi, il faudra probablement attendre la rétrogradation de Saturne pour le savoir. L'éclipse assez révélatrice liée à ce moment axial était néanmoins le paradoxe idéal pour faire une sorte d'état des lieux symbolique, de passer en revue quelques uns des signes des temps profondément bouleversés que nous traversons. Je choisis de publier ce papier à la faveur du trigone de Jupiter-Saturne, très-constructif et confortant, pour ne pas ajouter au moralisme rampant qu'ils pourraient y percevoir malgré la réception la démoralisation de mes lecteurs! Le trigone Jupiter-Saturne actuel offre aussi l'occasion d'une prise de recul fort bienvenue sur les événements tout en permettant de les concevoir sans pessimisme excessif.
Cependant avec la réception mutuelle il est certain que l'accélération du monde que nous vivons, aux limites de l'instantanéité et du temps humain (dixit Virilio), stimulée par l'affliction d'Uranus en Bélier, connait actuellement une pause. Va-t-on la mettre à profit pour dépasser le présent absolu auquel on réduit l'humain, le resituer dans l'histoire des nations et des idées et tenter de dégager quelques solutions pour l'avenir? Ou tentera-t-on encore d'encourager et d'exploiter cette acculturation? Cela aussi, il faudra probablement attendre la rétrogradation de Saturne pour le savoir. L'éclipse assez révélatrice liée à ce moment axial était néanmoins le paradoxe idéal pour faire une sorte d'état des lieux symbolique, de passer en revue quelques uns des signes des temps profondément bouleversés que nous traversons. Je choisis de publier ce papier à la faveur du trigone de Jupiter-Saturne, très-constructif et confortant, pour ne pas ajouter au moralisme rampant qu'ils pourraient y percevoir malgré la réception la démoralisation de mes lecteurs! Le trigone Jupiter-Saturne actuel offre aussi l'occasion d'une prise de recul fort bienvenue sur les événements tout en permettant de les concevoir sans pessimisme excessif.
Gardons
à l'esprit que ce qui importe en astrologie est peut-être d'avantage
dans le cycle, sa totalité et sa progression que dans l'instant T du
transit, si je puis dire. Ainsi les cycles de Saturne-Pluton révèlent
toujours des transformations profondes et même majeures dans nos
sociétés (on les nomme chronocrates en ce qu'elles rythment les époques
du monde), transformations qui passent souvent par des périodes de
destruction (notamment dans les phases critiques: conjonction,
opposition et carré. La période noire de la grande peste et de la guerre
de cent ans est fortement marquée de cette influence, de même que la
première guerre mondiale dont nous nous apprêtons à fêter le centenaire à laquelle préside également la conjonction).
Le dernier carré de Saturne à Pluton s'est produit en 2009-2010 lors du
transit de Saturne en Balance, un signe particulièrement pacifique, et
avant la première occurrence du carré d'Uranus/Pluton, ce dernier étant
du reste maîtrisé par Saturne, ce qui sans doute minimise les dégâts
qu'aurait pu occasionner leur franche confrontation par exemple. La
réception réciproque, quant-à elle, si l'on en croit la tradition, est
d'avantage le moment d'une action concertée, une période d'aide mutuelle
entre les deux astres... dont une certaine nature commune quelque peu
rigide, silencieuse, obscure et lugubre n'aura sans doute échappé à
personne ces temps-ci : ce premier pape issu des ténébreux Jésuites,
fils spirituels du pourfendeur d'hérésies Íñigo de Loyola, et dont la
devise de l'ordre est "Perinde ac cadaver" (tel un cadavre) n'a-t'il as
été salué par le magazine Times comme "personne de l'année"? Comment ne
pas songer ici à ce mot de Nietzsche : "La vie n'est qu'un cas particulier
de la volonté de puissance - il est tout à fait arbitraire d'affirmer
que tout aspire à se fondre dans cette forme de volonté de puissance"...
Notes
(1) Christopher Lasch écrit: «Selon Walter Lippmann, l’un des pionniers du journalisme
moderne, le « citoyen omnicompétent » était un anachronisme dans une
époque de spécialisation. Il pensait qu’en tout cas la plupart des
citoyens se souciait fort peu de la substance des décisions politiques
publiques. La tâche du journalisme n’était pas d’encourager le débat
public mais de fournir aux experts des informations sur lesquelles ils
puissent fonder des décisions intelligentes. Ce culte
du professionnalisme a eu une influence décisive sur le développement
du journalisme moderne. Les journaux auraient pu servir à prolonger et
élargir les assemblées communales. Au lieu de quoi, ils ont adhéré à un
idéal fallacieux d’objectivité et ont défini leur but comme la diffusion
d’informations fiables — autrement dit, du type d’information qui tend
non pas à promouvoir le débat mais à y couper court. Le trait le plus
curieux de tout ceci est, bien sûr, que si les Américains se trouvent
inondés d’informations, grâce aux journaux, à la télévision et aux
autres média, les enquêtes rapportent régulièrement que leur
connaissance des affaires publiques est constamment en déclin. En cet «
âge de l’information », le peuple américain est notoirement mal informé.
L'explication de cet apparent paradoxe : une fois exclus effectivement
du débat public pour motif d’incompétence, la plupart des Américains
n’ont que faire des informations qui leur sont infligées en de si
grandes quantités. Ils sont devenus presque aussi incompétents que leurs
critiques l’ont toujours prétendu — ce qui nous rappelle que c’est le
débat lui-même, et le débat seul, qui donne naissance au désir
d’informations utilisables. En l’absence d’échange démocratique, la
plupart des gens n’ont aucun stimulant pour les pousser à maîtriser le
savoir qui ferait d’eux des citoyens capables.»
(2) Virilio
montre dans son essai intitulé L'administration de la peur (2010)
comment un "principe de frayeur" dictant toutes nos attitudes est devenu
heuristique dans nos sociétés, comment la panique est devenue totalité
en soi du monde, principe générateur: Déculpabilisée par les mœurs, la
peur, sa gestion et même son entretien deviennent objets privilégiés de
pouvoir. "En temps de terreur collective, écrit-il, il est impossible
d'être courageux, sauf à verser dans des idéologies sacrificielles".
Cette peur mondialisée par les ondes et l'instantanéité est, selon le
philosophe, le ressort principal d'une standardisation et d'une
"synchronisation des émotions, assurant le passage de la démocratie
d'opinion à la démocratie d'émotion". Il faut ici naturellement
comprendre en filigranes que la démocratie véritable, de réflexion,
n'est plus du tout d'actualité, l'entretien de l'émotionnel allant de
pair avec celui de l'obscurantisme: "le court-termisme, souligne-t-il,
est une évidence" de notre temps.
(3) Dans le mythe du
dévoilement d'Artémis, l'instinct d'appropriation violente conduit à sa
perte le héros Orion, tué par un scorpion... Le signe est d'autant plus
actif ces derniers temps que lors de l'éclipse solaire s'y trouvait un
stellium en conjonction de quatre corps!
(4) Cf. Nature, Feb 2010: How culture shaped the human genome
(5) La longue conjonction
Mercure-Saturne nous rappelle que le plus grand crime contre l'esprit
consiste certainement à laisser ainsi l'histoire se répéter, obligeant
les hommes à reformuler sans cesse des idées et notions qu'on aurait
voulu croire acquises.